On ne l’attendait pas sur ce terrain. Scénariste de bandes dessinées, connu pour des œuvres de science-fiction comme Valérian – conçues avec son ami de jeunesse Jean-Claude Mézières, mort en janvier 2022 ; auteur de multiples albums mêlant social, politique, fantastique… en collaboration avec Enki Bilal, Jacques Tardi ou encore François Boucq, Pierre Christin vient de sortir une BD sur l’histoire de la greffe du rein, réalisée avec le dessinateur Fawzi, décédé fin février.
Classique, la première partie du livre retrace, à partir des années 1900, les débuts de cette innovation thérapeutique, qui a révolutionné la prise en charge des malades du rein. On y croise, entre autres, Willem Kolff, inventeur du rein artificiel, reconnu par ailleurs Juste parmi les nations ; les pionniers français Jean Hamburger et Gabriel Richet, auteurs de la première greffe de rein avec donneur vivant au début des années 1950 ; l’Américain Joseph Murray, qui réussit la première transplantation rénale entre jumeaux en 1954 à Boston (Etats-Unis)…
Mais la vraie surprise de l’ouvrage vient d’y retrouver l’auteur lui-même, qui raconte, pour la première fois, son parcours de malade du rein. Agé de 85 ans, Pierre Christin a eu sa première dialyse en 2014 au Val-de-Grâce, traitement qu’il vécut comme « l’antichambre de la mort ». En quelques pages, le scénariste esquisse l’aventure de sa propre transplantation, le téléphone qui retentit, avertissant qu’un rein est prêt, le report de l’intervention parce que le greffon n’était pas d’assez bonne qualité. La troisième fois sera la bonne. « Pour un écrivain de science-fiction, ce n’est pas rien d’avoir l’organe d’un autre dans son propre corps, auquel on doit de pouvoir vivre presque tel un cyborg posthumain », écrit-il dans la BD.
Un ouvrage hybride
Il a d’abord été réticent à raconter sa propre histoire. « Je n’y étais pas favorable, car il n’y a pas pire en BD que de représenter un malade dans son lit. Et je ne voulais pas avoir un côté gémisseur. Je ne voulais pas me complaire dans la maladie, j’ai donc pris délibérément un côté décalé », nous confie-t-il en ce jour de mars dans sa chambre à l’hôpital Necker, où il nous a reçues.
S’il concède que la dialyse, et surtout la greffe, « lui ont donné dix ans de plus, lui permettant de poursuivre son métier de scénariste », il connaît aujourd’hui une dégradation de son état de santé et surtout de sévères troubles visuels, liés à une rétinopathie du greffé. « C’est une grande souffrance et une catastrophe dans mon travail. Etre scénariste et perdre la vue, on ne peut pas faire pire », soupire-t-il. C’est sa femme qui lui lit d’ailleurs chaque jour Le Monde.
Il vous reste 15.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.