Janet Yellen quitté le sol chinois, mardi 9 avril. Durant cinq jours, de Guangzhou à Pékin, la secrétaire au Trésor des Etats-Unis a tenté de convaincre la Chine de ne pas déstabiliser l’économie mondiale par ses surcapacités industrielles, citant notamment le cas de l’acier et des véhicules électriques. Elle n’a pas tort.
Comme le rappelle l’économiste américain Brad Setser, du Council on Foreign Relations, un centre de réflexion new-yorkais, les seules exportations d’acier chinois, de 100 millions de tonnes par an, sont supérieures à la totalité de la production américaine (80 millions de tonnes). Et la capacité de production de batteries automobiles de la Chine est quatre fois plus importante que la demande intérieure du pays.
Mais, dans le même temps, les Etats-Unis doivent reconnaître qu’ils participent eux-mêmes à cette course à la surproduction, en subventionnant massivement l’installation d’industriels sur leur territoire. Lundi 8 avril, l’électronicien taïwanais TSMC a indiqué qu’il allait construire une troisième usine sur le sol américain, moyennant une subvention de Washington de 6,6 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros). Une somme équivalente devrait être octroyée à Samsung, le rival sud-coréen de TSMC.
A côté de ce plan d’investissement considérable dans l’électronique, l’administration Biden en a débloqué un autre, plus important encore, en direction des technologies « vertes », afin de multiplier les usines de batteries, de panneaux solaires ou d’hydrogène.
« Mondialisation de rivalités »
Prise en sandwich entre la ferveur exportatrice chinoise et l’activisme américain, l’Europe chante à son tour les vertus de la réindustrialisation. Les ministres allemand, italien et français de l’économie se sont réunis à Paris, lundi, pour dégager une politique industrielle commune aux accents volontairement offensifs. « Le temps de la mondialisation heureuse est fini. Elle fait place à une mondialisation de rivalités », a déclaré Bruno Le Maire, quand son homologue italien, Adolfo Urso, a assuré que « l’économie européenne, fondée sur les consommateurs », doit désormais « devenir une économie basée sur les producteurs ».
Et comme toutes ces productions supplémentaires, qu’elles soient européennes ou américaines, auront bien du mal à être compétitives face aux exportations chinoises, il faudra se résoudre à freiner leur débarquement par des mesures protectionnistes.
Tout cela fleure bon le mercantilisme des temps anciens, quand les Etats soutenaient l’industrie et les exportations, et fermaient leurs frontières. Un mercantilisme 2.0 à l’heure de l’intelligence artificielle, qui fera beaucoup de perdants. A commencer par des Etats surendettés, qui ont pourtant bien d’autres défis urgents à relever : énergie, éducation, santé, défense…