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Au procès de l’accident du TGV Est, le réquisitoire dénonce un « aveuglement collectif »

A Eckwersheim (Bas-Rhin), le 15 novembre 2015, au lendemain de l’accident du TGV Est.

Alors que la parole était aux parties civiles, début mai, devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le père d’une victime de l’accident du TGV Est, survenu lors d’une session d’essais le 14 novembre 2015 à Eckwersheim (Bas-Rhin), avait résumé d’une formule l’attitude à l’audience des six prévenus : « C’est pas moi, c’est l’autre. »

Jour après jour, chacun s’était renvoyé la faute : le conducteur du TGV, Denis T., et son collègue chargé de lui indiquer les points de freinage, Francis L., tout comme les représentants des deux principales sociétés impliquées dans la réalisation des essais, la SNCF et sa filiale Systra. A ce déni général, exaspérant pour les victimes, le procureur Nicolas Hennebelle a répondu, lundi 13 mai, par des réquisitions de culpabilité quasi générale : l’accident, a-t-il assené, est le résultat d’un « aveuglement collectif ».

« Alors que ces essais étaient destinés à assurer la sécurité des futurs voyages commerciaux sur la nouvelle voie [entre Paris et Strasbourg], tout semble avoir été fait pour mettre en danger la conduite de la rame », a-t-il synthétisé à l’entame d’un monologue de quatre heures, pendant lesquelles il a dressé la liste des « décisions absurdes » ayant mené au drame.

Ces décisions ne sont celles ni d’un seul homme ni de la seule organisation : « Vouloir réduire ce dossier à la faute unique de tel ou tel ne sert qu’à masquer les carences organisationnelles de ce projet. De façon symétrique, l’accident ne se résume pas non plus à une mauvaise organisation qui exempte les personnes physiques de toute responsabilité. »

Le drame s’est tout autant noué le 14 novembre 2015, dans la cabine du TGV, qu’en amont, dans les bureaux de la SNCF et de ses filiales, a estimé le procureur, qui a demandé au tribunal de déclarer cinq des six prévenus coupables d’homicides et blessures involontaires – à ses yeux, Philippe B., agent chargé de signaler au conducteur les particularités de la voie (déclivité, etc.), n’a joué aucun rôle dans la détermination d’un point de freinage trop tardif à l’approche d’un virage serré, cause unique de l’accident qui a fait 11 morts et 42 blessés.

« A la louche »

C’est à Francis L. que revenait la définition de la stratégie de freinage. Nicolas Hennebelle a fustigé son « manque de rigueur », qui a abouti à retenir un point de freinage « ne laissant aucune marge de sécurité », un point de freinage déterminé « sans aucun calcul scientifique, sans aucune analyse fiable, sans même avoir les compétences et sans outil ». « A l’expérience », avait dit l’intéressé. « A la louche », avait dit le conducteur du train. Ce dernier est aussi responsable, selon le procureur, puisqu’il a apporté sa « validation explicite » au point de freinage, et a même proposé de le retarder d’un kilomètre, pensant avoir de la marge. Une « erreur manifeste d’appréciation » et une « faute d’imprudence grossière ».

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