C’est une première mondiale à ce niveau de précision. Une équipe internationale a cartographié les réseaux et connexions neuronales, la connectomique, dans un millimètre cube de cerveau humain. Les résultats publiés le 10 mai dans la revue Science donnent le vertige. Dans cet échantillon de cortex, dont la taille peut paraître ridicule, l’équipe a compté pas moins de 57 000 cellules (neurones et cellules gliales), 23 centimètres de vaisseaux sanguins et surtout près de 150 millions de synapses, ces connexions entre neurones qui assurent la transmission d’informations.
Ce travail fait partie du projet Brain Science Initiative, lancé en 2014 par l’université Harvard (Cambridge), qui a déjà donné lieu à de nombreuses publications. A cette étude pilotée par Jeff Lichtman, professeur de biologie moléculaire à Harvard, et dont le premier signataire, Alexander Shapson-Coe, est aujourd’hui chercheur en neurologie au Royal Hospital de Londres, des équipes de Google ont été associées.
La recette utilisée par l’équipe semble simple, mais le résultat est une quantité de données de nature à provoquer une indigestion chez les plus gourmands des neuroscientifiques : prélever un bout de cerveau a priori sain, d’environ un millimètre cube, chez un sujet bien vivant ; le soumettre à une fixation rapide à l’aide de résine et d’une solution de métaux lourds, qui apportent aussi un peu de couleur ; puis le trancher en 5 019 lamelles d’une épaisseur moyenne de 33,9 nanomètres, environ 2 000 fois plus fines qu’un cheveu ; et les aligner soigneusement sur du ruban adhésif (pas n’importe lequel). Il n’y a plus qu’à examiner chaque lamelle à la loupe, ou plus exactement au microscope électronique à balayage multifaisceaux. Vous obtenez un ensemble de données totalisant 1,4 pétaoctet, soit l’équivalent d’un livre de plus de 700 milliards de pages.
Une matière première rarissime
Et ce n’est pas fini ! Forts de ces observations obtenues à un niveau de détail inégalé, les chercheurs ont pu examiner à l’échelle du nanomètre la forme des neurones et leur répartition, les connexions entre eux, la proportion de cellules gliales qui entourent ces cellules nerveuses, etc. Mais n’ayant pas le temps de lire une à une ces milliards de pages, ils ont ensuite eu recours à l’apprentissage automatique pour reconstruire la structure volumétrique de ce grain de cortex en reconstituant chaque connexion entre les cellules à partir de la superposition modélisée des lamelles.
Pour rassurer le lecteur, précisons que les scientifiques ne prélèvent pas des parcelles de cerveau chez des humains vivants à tout bout de champ. C’est une matière première rarissime. Ici, l’occasion a été donnée par une intervention chirurgicale sur une femme de 45 ans souffrant d’épilepsie chez qui ce millimètre cube de cortex temporal a dû être retiré pour accéder à une lésion sous-jacente de l’hippocampe. Jeff Lichtman et ses équipes qui ont déjà cartographié ainsi le cortex complet d’une mouche et ont pour ambition d’en faire autant, d’ici à quelques mois ou années, avec une souris, ne comptent pas mener l’exercice sur la totalité d’un cerveau humain. Cela a été fait par d’autres équipes sur des cerveaux post mortem, mais ce n’est pas comparable.
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