L’émotion est clairement perceptible. Mercredi 15 mai, depuis l’aube et devant toutes les prisons de France, les personnels pénitentiaires se sont réunis. S’ils se serrent ainsi dans le froid du petit matin, c’est pour lancer la journée « prisons mortes ». Comprendre : une journée de blocage où personne n’entre ni ne sort, à part pour relever certains postes stratégiques (entrée, miradors) ou pour faire entrer le personnel médical afin d’administrer certains traitements (insuline ou méthadone, par exemple). Les conséquences sont nombreuses sur les visites familiales au parloir, ou encore sur les procès. Ainsi, à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le procès de la vendetta de Bastia-Poretta a été suspendu jusqu’au mardi 21 mai, l’extraction des accusés comparaissant détenus n’ayant pas été possible.
Mais ces rassemblements étaient aussi autant d’hommages à leurs deux collègues morts et aux trois autres blessés, le mardi 14 mai. Un convoi transportant un détenu, Mohamed Amra, a été attaqué à un péage sur l’autoroute A154, aux environs de Rouen. Le commando de quatre personnes, cagoulées et vêtues de noir, a pris d’assaut le fourgon à l’arme automatique. Ce genre d’affaires est extrêmement rare et il faut remonter à 1992 pour retrouver la trace de la mort en service d’un agent de l’administration pénitentiaire, lorsqu’un détenu avait poignardé, puis battu à mort, un surveillant principal de l’établissement de Rouen à l’occasion d’une inspection de routine.
Les représentants nationaux des personnels pénitentiaires ont rencontré, jeudi, pendant plusieurs heures le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti. L’intersyndicale demande des mesures d’urgence pour renforcer la sécurité : la réduction drastique des extractions en favorisant la visioconférence des magistrats ou leur déplacement dans les établissements ; une refonte et une harmonisation des niveaux d’escorte ; du matériel adapté, le déploiement accéléré de brouilleurs de téléphones et de drones. Les revendications d’urgence sur l’équipement ont été entendues et doivent aboutir rapidement. D’autres, comme la visioconférence et le déplacement des magistrats, nécessitent un peu plus de temps. Rendez-vous est d’ores et déjà pris dans quinze jours pour mettre en place un protocole d’accord. La chancellerie se félicite d’une discussion « constructive, qui a duré deux heures trente ». Cependant, pour les syndicats, pas question de relâcher la pression : le mouvement a été reconduit pour jeudi, « dans l’attente d’un rapport écrit ».
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