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Mario Del Pero, historien : « L’idée que l’intérêt national des Etats-Unis ne correspond plus à celui d’Israël est de plus en plus répandue »

Malgré la suspension d’une livraison de bombes confirmée par la Maison Blanche le 8 mai, la relation entre les Etats-Unis et Israël reste « spéciale ». Ce rapport a certes évolué à mesure que le contexte international et celui des deux pays changeaient, et après certains tournants cruciaux. Mais leur lien a été cimenté par plusieurs facteurs qui ont défini sa nature et son caractère. Des facteurs qui renvoient à des aspects stratégiques, idéologiques, politiques et culturels.

Les Etats-Unis ont soutenu la naissance de l’Etat hébreu, en 1948, malgré les fortes réticences de ceux qui, notamment au sein du département d’Etat, craignaient que cela ne nuise aux relations avec le monde arabe. Au cours des vingt premières années de la guerre froide, les moments de tension n’ont pas manqué. Ce n’est qu’à partir des années 1960, et surtout après l’épreuve de force de la guerre des Six-Jours, en 1967, que les relations se sont resserrées et qu’Israël est véritablement devenu un allié spécial, bénéficiaire d’une aide militaire massive de la part des Etats-Unis.

Sa crédibilité militaire, grandement renforcée par ses succès, et la dynamique de la guerre froide au Moyen-Orient en ont fait un partenaire-clé pour équilibrer les régimes prosoviétiques de la région. Cette fonction était destinée à survivre à la fin de la guerre froide : Israël passant du rôle de rempart de l’« endiguement » antisoviétique à une fonction remodelée contre ce qui restait du panarabisme radical ou le nouvel islam politique radical.

Citadelle assiégée

Le partenariat stratégique a été justifié par des récits idéologiques qui soulignaient le lien « civilisationnel » supposé naturel entre les deux pays. Ces récits s’articulaient autour de deux axes. Le premier, l’axe démocratique et occidental, pour lequel Israël constituait la citadelle assiégée de l’Occident libéral à défendre. Le second axe était religieux, car une partie de l’évangélisme américain a toujours entrevu dans le dessein sioniste la réalisation potentielle d’eschatologies millénaristes.

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Cette position a gagné une influence significative aux Etats-Unis à partir des années 1970, lorsque de nombreuses composantes de cet évangélisme se sont structurées en lobbys de la droite républicaine, se sont débarrassées de leur antisémitisme et ont adopté une position de soutien total à Israël. Dans certaines manifestations extrêmes, ce changement s’est traduit par un sionisme chrétien qui lie les guerres d’Israël avec les catégories de sa prophétie apocalyptique. Plus généralement, il a contribué à consolider (et à marquer politiquement) les relations israélo-américaines.

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