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Nouvelle-Calédonie : Macron décide de "déclarer l'état d'urgence" après des violences meurtrières

Après une deuxième nuit d’émeutes en Nouvelle-Calédonie, où trois personnes sont mortes et un gendarme « très grièvement blessé », le président Emmanuel Macron a décidé mercredi de « déclarer l’état d’urgence » sur l’archipel. Cette annonce a été faite par l’Élysée à l’issue d’une réunion du conseil de défense et de sécurité présidée par le chef de l’État.

Le président Emmanuel Macron a décidé, mercredi 15 mai, de « déclarer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie » face aux émeutes qui ont fait trois morts et « très grièvement blessé » un gendarme, a annoncé l’Élysée dans un communiqué.

« Le Président de la République a demandé que le décret visant à déclarer l’état d’urgence en Nouvelle Calédonie soit inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres qui se réunira à 16h30 », a dit l’Élysée.

Le territoire français du Pacifique Sud connaît ses plus graves violences depuis les années 1980 alors que l’Assemblée nationale a adopté la révision constitutionnelle réformant le corps électoral tant décriée par les indépendantistes.

« Toutes les violences sont intolérables et feront l’objet d’une réponse implacable pour assurer le retour de l’ordre républicain », a ajouté la présidence à l’issue d’un conseil de défense et de sécurité nationale. « Le président de la République a rappelé la nécessité d’une reprise du dialogue politique », a-t-elle précisé.

Emmanuel Macron a réaffirmé lors de cette réunion « sa solidarité avec l’ensemble des Calédoniens et a remercié les forces de sécurité particulièrement mobilisées pour protéger et soutenir la population ». Il a « exprimé sa vive émotion après le décès de trois personnes, alors qu’un gendarme vient d’être très grièvement blessé », selon le communiqué.

« Le président de la République a rappelé la nécessité d’une reprise du dialogue politique et a demandé au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur et des outremer d’inviter rapidement les délégations calédoniennes à Paris », a encore dit l’Élysée.

Une « solution politique globale »

De son côté, le Premier ministre Gabriel Attal a affirmé mercredi qu’il allait proposer une date de rencontre à Paris aux parties prenantes de Nouvelle-Calédonie « dans les prochaines heures ».

« Je leur proposerai dans les prochaines heures une date pour les recevoir à Matignon en compagnie du ministre de l’Intérieur et des Outremer, pour poursuivre l’échange et le dialogue » et « construire » une « solution politique globale », a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions au Premier ministre.

Pour autant « la priorité, c’est de retrouver l’ordre, le calme et la sérénité », a-t-il répété en rendant hommage à « l’ensemble des forces de sécurité » parmi lesquelles un gendarme a été grièvement blessé.

Le Haut-commissariat de la République a annoncé, mercredi 15 mai, plus de 130 interpellations durant ces émeutes. « Plusieurs dizaines d’émeutiers ont été placés en garde à vue et seront présentés à la justice », a précisé le Haut-commissariat dans un nouveau point de situation.

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin a déclaré sur RTL que des « centaines » de personnes ont été blessées, dont une « centaine » de policiers et gendarmes. Parmi eux, un gendarme mobile a été grièvement blessé par balle à la tête, dans le secteur de Plum, au sud de l’île, et son pronostic vital est engagé, a appris l’AFP de source proche du dossier et de la gendarmerie.

Les principaux partis indépendantistes et non-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ont appelé « solennellement l’ensemble de la population » du territoire « au calme et à la raison ».

Alors que de « graves troubles à l’ordre public sont toujours en cours », selon le communiqué du Haut-commissariat de la République qui fait état de « nombreux incendies et pillages de commerces, d’infrastructures et d’établissements publics, dont plusieurs écoles et collèges », les députés à Paris ont adopté, après les sénateurs, le projet de réforme de loi constitutionnelle par 351 voix contre 153. La réforme devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.

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Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences « indigne(s) » et appelant au « calme », le président Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait « avant la fin juin », à moins qu’indépendantistes et loyalistes ne se mettent d’accord d’ici là sur un texte plus global.

Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».



Écoles et aéroport fermés

Au vu des heurts de la nuit, les établissements scolaires « resteront fermés jusqu’à nouvel ordre », a annoncé le vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie dans la matinée. Et l’aéroport de La Tontoura reste pour l’instant fermé aux vols commerciaux.

Dans l’agglomération de Nouméa, le couvre-feu décrété par le Haut-commissaire de la République est entré en vigueur mardi à 18 h locales (9 h à Paris). Mais à la tombée de la nuit mardi, les actes de vandalisme avaient repris de plus belle. Plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l’AFP. Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Mercredi matin, les pénuries alimentaires, faute d’approvisionnement des commerces, étaient criantes, engendrant de très longues files d’attente devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre, a constaté le correspondant de l’AFP. 

Une longue file d'attente s'est formée dans le quartier Magenta, à Nouméa, devant l'un des magasins restés ouverts après deux nuits d'émeutes.
Une longue file d’attente s’est formée dans le quartier Magenta, à Nouméa, devant l’un des magasins restés ouverts après deux nuits d’émeutes. © Theo Rouby, AFP

Dans les quartiers, la débrouille s’organise. « Nous voulons éviter de nous faire déborder, nous faisons de la prévention », a expliqué à l’AFP David, un habitant du quartier de Ouemo. « Nous nous sommes organisés spontanément. Hier en fin de journée, des gens ont essayé de faire entrer quatre barils d’essence. Nous filtrons la circulation la journée », dit-il alors que certains habitants se sont « armés » de clubs de golf ou de cannes de croquet.

À Tuband, un autre quartier de Nouméa, des habitants patrouillaient armés de bâtons ou de battes de base-ball, encagoulés pour certains. « Un mouvement collectif impliquant une cinquantaine de détenus », qui avait débuté dans la nuit de mardi à mercredi dans la prison du Camp-Est de Nouméa, a par ailleurs été « maîtrisé » par les forces de l’ordre, selon la Chancellerie. 

Des renforts policiers en cours d’acheminement

« Plus de 70 policiers et gendarmes ont été blessés », a indiqué le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Et « 80 chefs d’entreprises ont vu leur outil de production brûlé ou détruit », a-t-il précisé.

Le président de l’Union calédonienne (indépendantiste) Daniel Goa a demandé à la jeunesse de « rentrer chez elle » et condamné pillages et exactions. « Les troubles de ces 24 dernières heures révèlent la détermination de nos jeunes de ne plus se laisser faire par la France », a-t-il toutefois commenté.

La principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a, elle, dénoncé le racisme anti-blancs de manifestants qui ont incendié la maison de son père, septuagénaire, exfiltré par le GIGN.

Les premières altercations entre manifestants et forces de l’ordre avaient commencé dans la journée de lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle.

Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés.

Des renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel : 50 membres du GIGN, unité d’élite de la gendarmerie, vont être envoyés d’ici la fin de la semaine, selon une source proche du dossier à l’AFP, en plus des 15 membres déjà arrivés en renfort mardi. Ce qui portera au total à une centaine les effectifs du GIGN présents sur l’île.

Avec AFP et Reuters

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