A Cannes, les salons de beauté portent bien leur nom. Visez les forfaits proposés : « Angelina Jolie » (microneedling + manucure + brushing, 180 euros), « Charlize Theron » (blanchiment dentaire + make-up + brushing, 210 euros)… D’une notoriété pourtant comparable à ces actrices, Emma Stone ne dispose pas, à ce jour, d’offre à sa gloire. C’est que la comédienne américaine résiste aux classifications trop nettes. De cette identité flottante, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos a fait le sujet de leur quatrième collaboration, Kinds of Kindness, film présenté en compétition sur la Croisette, vendredi 17 mai.
Comme le reste du casting, Emma Stone y interprète trois personnages, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre à chaque fois. Ses partenaires de jeu, fatalement, s’y perdent un peu : dans l’un des trois segments du film, un flic, campé par Jesse Plemons, s’imagine ainsi qu’elle a été remplacée par un sosie.
La scène, remarquable d’inquiétante étrangeté, est rejouée pour rire par les deux acteurs, dans le palace où on les rencontre. « Es-tu la vraie Emma ? Qui sait… », marmonne Jesse Plemons, de sa voix inimitablement caverneuse. « Si tu dis ça, c’est que tu n’es pas Jesse, mais son avatar ! », riposte Stone, piquante en diable. Leurs canettes de Red Bull lâchent un « pschitt » synchrone. Le rouquin arbore un tee-shirt teint par ses enfants ; la rouquine une robe Vuitton beige et des stilettos noirs, qui s’évertuent, l’une de souligner, les autres de stabiliser, sa silhouette.
Promotion par paire
Depuis quelque temps, Hollywood orchestre la promotion de ses vedettes par paire, plutôt qu’en solo. Dans le cas de Kinds of Kindness – dont le titre de travail a longtemps été And (« et ») –, cette lubie s’avère moins pénible qu’à l’accoutumée. D’autant que Stone et Plemons n’ont guère à surjouer leur complicité : nés la même année – en 1988 –, ils ont poussé sur un humus proche, elle dans une banlieue chic et arty de Phoenix (Arizona), lui à Dallas (Texas).
Révélé par les séries Breaking Bad et Friday Night Lights, choyé par l’élite hollywoodienne (Spielberg, Scorsese, Paul Thomas Anderson…), Jesse Plemons n’avait pas, jusque-là, tourné avec un cinéaste européen. Emma Stone s’est fait un plaisir de jouer les intermédiaires. « Le cinéma de Yorgos ne ressemble à aucun autre, il faut accepter de ne pas avoir toutes les réponses… Au début, c’est effrayant, mais cela devient vite libérateur. Emma m’a guidé et rassuré », confie Plemons.
Depuis La Favorite (2018), Stone est devenue la comédienne favorite, justement, de l’alien hellène. Une collaboration qui lui réussit : elle a décroché cette année, pour la deuxième fois après La La Land en 2017, l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle expressionniste dans le précédent film du réalisateur grec, Pauvres créatures.
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