En Nouvelle-Calédonie, la situation était « plus calme et apaisée » vendredi en raison de l’état d’urgence et des renforts envoyés par Paris dans l’archipel. Cependant, le contrôle de plusieurs quartiers « n’est plus assuré », a reconnu le haut-commissaire de la République. Les autorités ont annoncé un « pont aérien » entre l’Hexagone et le territoire calédonien, où l’aéroport reste fermé aux vols commerciaux. Une enquête visant des « commanditaires » des émeutes a été ouverte.
Nouméa se trouve dans « une situation plus calme et apaisée » selon le représentant de l’État en Nouvelle-Calédonie, qui a cependant déploré une école et deux entreprises incendiées après une quatrième nuit de contestation de la réforme électorale votée à Paris. Le parquet de Nouméa a ouvert une enquête visant « des commanditaires ». Les autorités ont annoncé un « pont aérien » entre l’Hexagone et le territoire calédonien, où l’aéroport reste fermé aux vols commerciaux
Le contrôle de plusieurs quartiers en Nouvelle-Calédonie « n’est plus assuré », a reconnu le représentant de l’État sur ce territoire français du Pacifique sud, espérant que des renforts permettront de « reconquérir » ces zones après quatre nuits de tensions. « Des renforts vont arriver (…) pour contrôler les zones qui nous ont échappé ces jours derniers, dont le contrôle n’est plus assuré », a déclaré, vendredi, devant la presse à Nouméa, le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc.
« L’état d’urgence a permis, pour la première fois depuis lundi, de retrouver une situation plus calme et apaisée dans le grand Nouméa, malgré les incendies d’une école et de deux entreprises », avait indiqué plus tôt le haut-commissariat de la République dans un communiqué.
Par ailleurs, une personne soupçonnée d’un homicide lors des émeutes s’est rendue aux forces de l’ordre, a annoncé le haut-commissaire, Louis Le Franc.
Ouverture d’une enquête visant des « commanditaires »
Selon Gérald Darmanin, les forces de l’ordre ont procédé à de nombreuses interpellations et « dix leaders mafieux » de la CCAT, la mouvance indépendantiste la plus radicale, ont été assignés à résidence.
Le ministre a par ailleurs dénoncé l’ingérence de l’Azerbaïdjan où plusieurs leaders indépendantistes calédoniens se sont déplacés ces derniers mois. Bakou a cependant jugé les accusations de Paris « infondées ».
Le parquet de Nouméa a annoncé vendredi avoir ouvert une enquête visant « des commanditaires » des émeutes qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis lundi, dont « certains membres de la CCAT », collectif indépendantiste mis en cause par les autorités, a annoncé vendredi le procureur de la République Yves Dupras.
« J’ai décidé d’ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires », parmi lesquels « certains membres de la CCAT », a-t-il déclaré à la chaîne Nouvelle-Calédonie La Première, ajoutant que les chefs d’infraction portent notamment sur des faits d’association de malfaiteurs.
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Un pont aérien et un renfort temporaire de soldats
À Nouméa, les pénuries alimentaires ont continué de provoquer de très longues files d’attente devant les magasins. « En lien avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l’État se mobilise pour apporter le soutien à la population et organiser l’acheminement des produits de première nécessité », a assuré vendredi matin le haut-commissaire Louis Le Franc.
Les autorités ont annoncé un « pont aérien » entre l’Hexagone et le territoire calédonien, où l’aéroport reste fermé aux vols commerciaux.
L’armée de l’Air française continuait vendredi d’acheminer par voie aériennes des forces de l’ordre vers la Nouvelle-Calédonie où l’armée de Terre a légèrement augmenté sa présence de manière temporaire, à la faveur d’une relève, a-t-on appris de source militaire.
Selon l’état-major, l’armée de l’Air a envoyé « un ou deux avions par jour depuis mercredi » avec à son bord des policiers et des gendarmes, alors que le gouvernement a annoncé l’envoi d’un millier d’entre eux pour épauler les 1 700 déjà sur place.
« Les moyens aériens sont priorisés sur l’envoi de forces de sécurité intérieure depuis l’Hexagone vers la Nouvelle-Calédonie », détaille l’état-major.
Par ailleurs, deux compagnies de l’armée de Terre (soit deux fois 150 soldats) déployées en permanence en Nouvelle-Calédonie, dont la relève était prévue, resteront pour l’heure sur place, en plus des militaires censés les remplacer numériquement, a-t-on appris de source militaire.
La première compagnie de relève est déjà arrivée et la seconde se trouve « sur le point de partir » de métropole, a ajouté cette source. Au total, 600 soldats au lieu de 300 seront donc temporairement sur place.
L’armée française s’est déployée pour sécuriser les ports et l’aéroport du territoire, désormais placé sous le régime de l’état d’urgence décrété par le gouvernement mercredi soir.
Couvre-feu maintenu
Même si un début d’apaisement se dessine, le représentant de l’État dans l’archipel maintient « les mesures d’interdiction de rassemblements, de transport d’armes et de vente d’alcool, ainsi que le couvre-feu de 18 h à 6 h ». Il réitère en outre « son appel au calme ».
De son côté, la télévision publique en Nouvelle-Calédonie a annoncé vendredi qu’elle renforçait la sécurité entourant ses journalistes, après un incident où des inconnus s’en sont pris au matériel d’une équipe en reportage. Ces journalistes qui couvrent les émeutes sur l’archipel seront jusqu’à nouvel ordre accompagnés d’agents de sécurité, a indiqué à l’AFP le directeur des contenus de l’information de Nouvelle-Calédonie La 1ère, Olivier Gélin.
Jeudi matin, un deuxième gendarme a été tué à la suite d’un « tir accidentel ». Les faits ont eu lieu alors que ce militaire, un adjudant-chef de 45 ans, partait en mission, selon la gendarmerie. Un premier gendarme de 22 ans avait été tué mercredi, touché par une balle à la tête. Au total, cinq personnes sont décédées depuis le début des émeutes lundi : deux hommes de 20 et 36 ans, une adolescente de 17 ans et les deux gendarmes. Gérald Darmanin a précisé qu’une personne responsable de la mort de deux Kanaks avait été arrêtée.
Le chef du gouvernement avait indiqué qu' »une circulaire pénale » serait publiée par le garde des Sceaux pour « garantir les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards ». Gabriel Attal va recevoir à Matignon, avec Gérald Darmanin vendredi soir, les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un « échange » sur la crise.
Le président Emmanuel Macron avait lui proposé une visioconférence aux élus calédoniens qui n’a pas pu se tenir jeudi, les « différents acteurs ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment », selon l’Élysée. Jeudi soir, la présidence a indiqué que ces discussions devraient intervenir vendredi.
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Ces émeutes ont déjà causé pour 200 millions d’euros de dégâts, selon le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie.
En métropole, les députés ont adopté dans la nuit de mardi à mercredi la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres. Ce texte devra encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient avant.
Le texte voté vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales. Les partisans de l’indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral et marginaliser « encore plus le peuple autochtone kanak ».
La dirigeante RN Marine Le Pen a, elle, plaidé jeudi soir pour « une pacification » institutionnelle sur le temps long, en ouvrant la possibilité d’organiser un nouveau référendum d’autodétermination « dans 40 ans ».
Avec AFP