Le visage caché sous une capuche, le dos fatigué de porter un gros sac, des ampoules aux pieds, Marion Maréchal a interrompu sa campagne samedi 18 mai. La tête de liste de Reconquête ! aux élections européennes a profité du pèlerinage traditionaliste de Chartres pour s’offrir un « moment d’introspection » de treize heures. « Une démarche personnelle et spirituelle » que l’ancienne députée d’extrême droite n’a pas souhaité médiatiser, pas plus qu’elle ne veut livrer l’éventuel bilan politique tiré de sa déambulation lorsque Le Monde la rencontre, deux semaines avant le scrutin.
A quoi a-t-elle pensé, cette déjà vieille figure de la politique française de 34 ans, sur le chemin de Chartres ? A son prochain coup d’éclat sur les réseaux sociaux, après y avoir relancé de manière outrancière le débat sur la gestation pour autrui ? A l’opportunité d’avoir rejoint un mouvement tout entier construit au service de l’ambition présidentielle d’un seul homme, Eric Zemmour ? Ou à Marine Le Pen, qui s’envolait au même moment pour Madrid et l’internationale de l’extrême droite réunie par le parti Vox ?
La présence de Marion Maréchal dans la capitale espagnole, en compagnie d’Eric Zemmour, avait pourtant été annoncée par la direction de Reconquête ! Aucun des deux n’a finalement traversé les Pyrénées : la tête de liste dit avoir préféré le « pélé » (de Chartres) et la préparation d’un énième débat télévisé. A son parti, elle a aussi expliqué ne pas vouloir apparaître au même événement que sa tante. Ainsi a-t-elle laissé la triple candidate à la présidentielle porter seule la voix française contre l’immigration sur la scène xénophobe européenne. Comme un symbole, pour sa nièce, d’une campagne inlassablement engoncée entre l’ombre pesante de sa famille et les déchirements stratégiques assumés au sommet de sa nouvelle chapelle politique.
Ligne conservatrice
Sur le fond, rien ne sépare Marion Maréchal des zemmouristes historiques, cette bande emmenée par Sarah Knafo et liée par une allégeance absolue à l’ancien membre de la rédcation du Figaro. Tous font de la lutte contre l’immigration et une prétendue « islamisation » du pays leur « priorité vitale » de chaque élection. Tous partagent le même champ lexical racialiste, adhèrent à la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » : de la promesse d’une « remigration » au recensement irrépressible de « francocides » dans l’actualité, en passant par le fantasme d’une « guerre de civilisation ». Le parti la laisse libre aussi d’exprimer une ligne conservatrice et économiquement libérale qui n’avait plus droit de cité au Front national (FN). Elle l’avait quitté en 2017, voulant éviter un « conflit ouvert ». Déjà.
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