Une fiche de paie d’une quinzaine de lignes et non plus 55 pour y voir plus clair : la promesse gouvernementale, portée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, n’a pas convaincu la chambre haute. Le gouvernement a subi mardi 4 juin un revers au Sénat sur l’une des mesures emblématiques de son projet de loi de simplification économique : la mise en place d’un bulletin de paie raccourci pour plus de lisibilité des salariés.
« Cette simplification du bulletin n’est ni demandée ni souhaitée par aucune organisation patronale ou syndicale », a pointé la sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge, dénonçant « un objectif idéologique » qui va « opacifier la paie ». La majorité sénatoriale, une alliance de la droite et du centre, estime quant à elle que cette réforme alourdira le travail des entreprises.
En effet, les patrons devront, pour un temps, conserver les données détaillées dans un fichier annexe à disposition des salariés, ce qui pourrait les contraindre à un « double travail », même si le gouvernement assure que cette charge sera confiée au portail national des droits sociaux à l’horizon 2027.
Même si l’essentiel de cette évolution est d’ordre réglementaire et passera par une concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement avait besoin de modifier la loi pour revoir certaines modalités de transmission de données aux salariés.
La ministre déléguée aux entreprises Olivia Grégoire a tenté, sans succès, de défendre la mesure. « Les salariés français ont beaucoup de mal à comprendre leur fiche de paie », a-t-elle plaidé, regrettant que le Sénat s’oppose à « la seule mesure (du projet de loi) qui porte une simplification à l’endroit des salariés ».
Mesures techniques
Examiné depuis lundi en première lecture, le projet de loi de simplification de la vie économique propose de multiples mesures, la plupart extrêmement techniques, pour « faciliter la vie des entreprises ».
Egalement refusée par le Sénat, une habilitation demandée par le gouvernement pour réformer par ordonnance de larges pans de l’administration des entreprises, sans passer par la loi. L’exécutif l’exigeait pour passer en revue ces prochains mois les milliers de démarches déclaratives chronophages auxquelles ces dernières sont soumises, ou encore pour supprimer une partie des 1 800 formulaires Cerfa, que Bercy veut voir disparaître d’ici 2030.
« C’est une plaisanterie. Vous pensez qu’on va vous donner un blanc-seing pour réformer ? » s’est insurgée la corapporteure Les Républicains Catherine Di Folco, estimant que le Parlement serait « dépossédé de son travail ». « Le travail n’a pas été fait en amont (…) proposez-nous un texte dans un an et on le travaillera », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement a également échoué mardi à faire adopter par le Sénat une autre disposition clé de ce projet de loi, visant à unifier le contentieux de la commande publique, au profit du juge administratif.
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Les sénateurs se sont aussi affrontés sur une des rares mesures clivantes du texte : le délai légal imposé aux petits patrons pour prévenir leurs salariés d’une vente à venir de leur fonds de commerce. Aujourd’hui fixé à deux mois, le gouvernement souhaite le réduire à un mois car il estime que la situation actuelle peut « compromettre la vente » et « dissuader les potentiels acquéreurs ».
Le Sénat, lui, a tout bonnement supprimé cette obligation, malgré les critiques de la gauche qui défendait ce mécanisme de transparence vis-à-vis des salariés, potentiellement intéressés pour reprendre l’entreprise.
Par ailleurs, l’instauration de « tests PME », un mécanisme visant à évaluer en amont l’impact de toutes les normes sur les entreprises, a été adoptée avec l’approbation du gouvernement.