Pour le 80e anniversaire du D-Day, les célébrations dureront trois jours. Emmanuel Macron a loué, mercredi 5 juin, l’« esprit de sacrifice » des libérateurs de la France lors d’un premier hommage à Plumelec, dans le Morbihan. « Je sais notre pays fort d’une jeunesse audacieuse, vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés », a déclaré le chef de l’Etat.
Aux unités d’élite d’aujourd’hui, représentées en nombre, il a ajouté : « Alors que les périls montent (…), vous rappelez que nous sommes prêts à consentir aux mêmes sacrifices pour défendre ce qui nous est le plus cher : notre terre de France et nos valeurs républicaines. » Le président a salué la mémoire des maquisards bretons et des premiers parachutistes de la France libre au sein des SAS, les forces spéciales britanniques, qui lancèrent dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 l’opération « Overlord » pour ouvrir un nouveau front face à l’Allemagne nazie.
Le Débarquement, organisé dans le plus grand secret par les Américains, les Britanniques et les hommes du général de Gaulle, allait ouvrir la voie à la libération de l’Hexagone et à la défaite du IIIe Reich, et donc à la fin de la seconde guerre mondiale.
C’est à Plumelec que « tomba le premier soldat français du Débarquement », le caporal Emile Bouétard, « jeune marin des Côtes-d’Armor » qui avait rejoint l’Angleterre, a rappelé Emmanuel Macron. « C’était un de mes amis », a complété le colonel Achille Muller, dernier des parachutistes français ayant participé à l’opération. Aux jeunes générations, cet homme de « 99 ans et demi » conseille de cultiver la « mémoire ». « Si demain la France était attaquée, ils devraient faire la même chose que nous », lance-t-il, béret rouge vissé sur la tête.
Comme lui, les anciens combattants encore en vie sont à l’honneur pendant ces célébrations, d’autant plus qu’en raison de leur âge ce sera sans doute le dernier grand rendez-vous auquel ils pourront participer. Emmanuel Macron doit prendre la parole et déposer une gerbe en compagnie du colonel Muller. Une cinquantaine de vétérans américains, dont certains ont participé au « jour le plus long », sont déjà arrivés lundi en Normandie. « Welcome to France, heroes » (« bienvenue en France, héros »), a écrit mardi sur X le président français.
Joe Biden et Volodymyr Zelensky présents
Joe Biden est aussi arrivé en France mercredi matin pour l’occasion. Jeudi, le président des Etats-Unis rejoindra les plages normandes pour la cérémonie internationale de commémoration du D-Day.
En présence du président américain, du roi Charles III, du chancelier allemand, Olaf Scholz, ou encore du chef de l’Etat italien, Sergio Mattarella, le président français pourra afficher l’unité des Occidentaux alors qu’un conflit d’envergure frappe à nouveau l’Europe. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sera là, tandis que la Russie, invitée il y a dix ans, a été formellement exclue des cérémonies, en raison de sa « guerre d’agression » contre l’Ukraine. En marge de ces cérémonies, Joe Biden aura l’occasion de s’entretenir avec son homologue ukrainien pour étudier « comment (…) continuer à approfondir [le] soutien [à l’Ukraine] », a fait savoir la Maison Blanche.
Alors qu’approche le scrutin européen, annoncé comme très mauvais pour son camp, Emmanuel Macron a décidé cette année de prolonger les commémorations, qui dureront trois jours, de mercredi à vendredi. « En Normandie, mais également en Bretagne, nous allons continuer à honorer toutes les mémoires de ceux qui ont contribué à notre libération : ceux qui se sont levés pour combattre le nazisme, ceux qui se sont battus sur tous les fronts, ceux qui ont souffert et ceux qui ont pris tous les risques pour apaiser les souffrances », écrit-il dans le dossier de presse de ce rendez-vous diplomatique hors normes.
A Plumelec, « tous les drapeaux » installés dans le cadre des commémorations ont été volés pendant la nuit de lundi à mardi, selon la mairie, qui fait également état de dégradations sur des abribus et annonce l’ouverture d’une enquête. D’après Ouest-France qui a publié des photos, des inscriptions telles que : « La Bretagne n’est pas à vendre », « Macron hors de Bretagne », « Ici c’est pas la France », ont notamment été taguées.
Hommage aux victimes civiles
Mercredi après-midi, Emmanuel Macron s’est rendu à Saint-Lô, dans la Manche, pour prononcer un discours sur les victimes civiles des bombardements alliés. « Capitale des ruines », selon l’expression du dramaturge irlandais Samuel Beckett : la ville est le symbole de toutes les cités (Caen, Lisieux, Flers, Le Havre…) qui furent détruites lors des opérations pour la libération de la France.
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« Ces morts des bombardements furent les victimes de notre combat pour la liberté et la patrie », a lancé le chef de l’Etat, au haras de Saint-Lô. « Huit décennies plus tard, la nation doit reconnaître avec clarté et force les victimes civiles des bombardements alliés. En Normandie, et ailleurs sur notre sol », a-t-il ajouté.
« Nous devons porter cette mémoire en pleine lumière (…). Avec tristesse et lucidité », a-t-il clamé. « Saint-Lô, année zéro », « Saint-Lô, cible nécessaire », « Saint-Lô, pour la nation », a poursuivi le président en référence aux bombardements destinés à couper les communications allemandes et à empêcher la Wehrmacht de stopper l’avancée des Alliés.
« Un bombardement comme un abyssal paradoxe (… ), le fracas assourdissant des bombes, de la désolation, de la mort pour que puisse renaître l’espoir et la liberté », a souligné la maire de Saint-Lô, Emmanuelle Lejeune. Et une « volonté farouche de retour à la vie qui a permis de reconstruire la ville sur la ville », a-t-elle ajouté.
50 000 à 70 000 civils tués par les bombardements alliés
Saint-Lô fut bombardée à trois reprises dans la « nuit du feu », du 6 au 7 juin. Au total 5 000 tonnes de bombes s’abattirent, écrasant aussi les sauveteurs en train de dégager des ruines les victimes.
On compte entre 50 000 et 70 000 victimes civiles des bombardements alliés en France, dont 10 000 pour la seule Normandie pendant l’été 1944. Quatre cents sont morts au cours de la nuit du 6 au 7 juin à Saint-Lô, qui sera libérée le 18 juillet, détruite à 90 %. Mercredi soir, Emmanuel Macron rendra hommage aux détenus de la prison de Caen, principalement des résistants, fusillés par les Allemands lors du Débarquement.
La mémoire des victimes est jusqu’à présent restée assez discrète dans le discours public. Lors du 70e anniversaire du Débarquement en 2014, François Hollande avait aussi souligné le rôle et le martyre des civils français, mais de façon moins appuyée. « Cette bataille fut aussi celles des civils », avait-il alors déclaré au Mémorial de Caen, consacré au souvenir de la Seconde guerre mondiale.
Du côté britannique, c’est de Portsmouth, sur la côte sud du Royaume-Uni, que le roi Charles III a présidé les commémorations mercredi. « Engageons-nous une nouvelle fois à toujours nous rappeler, chérir et honorer ceux qui ont servi, a-t-il déclaré, devant la foule agitant des milliers de petits drapeaux aux couleurs du pays. Huit décennies plus tard, il est presque impossible d’imaginer les émotions ressenties ce jour-là, la fierté de faire partie d’une si grande mission, l’angoisse de ne pas être à la hauteur et la peur que ce jour soit le dernier. »