A l’heure où les citoyens s’apprêtent à voter, le 9 juin, pour les européennes et où la lutte contre le changement climatique figure en tête des préoccupations des électeurs français (37 %, contre 27 % des Européens, d’après l’Eurobaromètre d’avril 2024), juste derrière le combat contre la pauvreté, jamais le bout du chemin menant à la « grande transformation » énergétique du pays, selon la formule de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, n’a paru pourtant si éloigné.
Tous les textes importants (loi de programmation Energie-climat ; programmation pluriannuelle de l’énergie ; stratégie nationale bas carbone ; plan national d’adaptation au changement climatique) pour imaginer l’avenir énergétique du pays ont été remisés, l’un après l’autre, par le gouvernement. Au débat démocratique sur nos choix énergétiques l’exécutif préfère, à l’évidence, la quiétude technocratique des décrets, convaincu qu’il serait impossible de débattre des options énergétiques du pays sans sombrer dans une « guerre de religion » entre pronucléaires et antinucléaires.
Sans débat, la direction à suivre en matière énergétique a donc été tranchée par le président de la République, dès son discours de Belfort, le 10 février 2022, actant la relance du nucléaire et la part des énergies renouvelables (EnR) dans notre futur mix énergétique. Mais ce choix du gouvernement traduit une double erreur d’analyse. Erreur quant au rapport de force au Parlement, loin d’être défavorable au nucléaire ; erreur, aussi, s’agissant de la forte dimension symbolique d’une délibération démocratique sur la trajectoire énergétique que le pays entend suivre.
Les indispensables énergies renouvelables
Par conviction, parce que c’est l’unique moyen, à court terme, de réduire nos émissions de CO2 en vertu de l’accord de Paris de novembre 2015 et de garantir aux industriels une énergie bon marché, ou par pragmatisme, étant donné le retard de la France sur le développement des EnR, tous les responsables politiques et experts français l’admettent : à l’horizon 2050, notre modèle énergétique doit concilier énergies renouvelables et atome.
Si le nucléaire a vocation à demeurer pour longtemps une composante majeure de notre modèle énergétique, seul cependant le développement des EnR nous permettra de transformer notre système énergétique. Pourquoi ? Parce que les nouveaux réacteurs ne produiront pas d’électrons avant quinze ans et qu’ils viendront pour partie remplacer les anciennes centrales qu’il aura fallu arrêter d’ici là.
Débattre alors de notre futur énergétique n’est pas une option, mais une nécessité. Un débat au Parlement serait important pour inscrire dans la durée les règles et les moyens financiers requis. Nous entendre sur le financement des nouveaux réacteurs et des EnR ne serait pas non plus déraisonnable, à l’heure où le débat sur la dette publique s’envenime et où EDF revoit à la hausse ses estimations (+ 30 % pour les six EPR).
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