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Atos, une faillite collective

A quelques semaines du début des épreuves des Jeux olympiques de Paris 2024, le marathon financier d’Atos, l’un des piliers technologiques de l’événement, se poursuit. Le gestionnaire informatique en difficulté s’est donné jusqu’au 31 mai pour présenter une solution de sauvetage à ses créanciers. Quelle que soit l’offre de reprise retenue parmi les trois désormais en lice, le groupe, qui se rêvait en fleuron du secteur, est surtout devenu l’emblème d’une faillite collective.

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Le fiasco est patent : alors que la valeur d’Atos a été divisée par dix en moins de deux ans, le géant informatique doit trouver dans l’urgence plus de 1 milliard d’euros de liquidités et restructurer une dette qui avoisine les 5 milliards. Pendant des années, peu nombreux étaient ceux qui se souciaient de l’avenir de l’entreprise. Le fait que l’activité soit peu visible du grand public a permis de maintenir une relative indifférence sur les errements du management, jusqu’à ce que le scandale éclate. En laissant la situation empirer, dirigeants et administrateurs ont conduit à une crise dont une partie des 100 000 salariés dans le monde vont maintenant faire les frais.

L’ex-PDG d’Atos Thierry Breton, arrivé en 2008, peut difficilement s’exonérer de ses responsabilités dans cette débâcle. En voulant faire grossir à marche forcée le petit prestataire de services informatiques, l’actuel commissaire européen au marché intérieur a finalement contribué à fragiliser l’entreprise. Focalisé sur ses acquisitions spectaculaires (rachat de la division de services informatiques de l’industriel allemand Siemens, puis de l’américain Xerox), le groupe a notamment raté le virage stratégique vers l’informatique dématérialisée (le « cloud computing »).

Impression de flottement

L’instabilité chronique à la tête du groupe après le départ de M. Breton en 2019 et un conseil d’administration défaillant ont aggravé cette situation. « Moi, j’ai laissé l’entreprise en parfaite santé, sans dette », se défend aujourd’hui M. Breton. Mais, dans cette industrie, si les erreurs se payent cash, la facture n’est présentée que bien des années plus tard. Comment expliquer sinon qu’Atos soit à l’agonie lorsque la plupart des géants du secteur sont sortis renforcés de la crise pandémique qui a dopé leur marché ?

A ces erreurs stratégiques s’est ajouté le manque de vigilance du gouvernement, qui est longtemps resté passif face à la situation. Alors que les grands clients se détournaient et que les cadres dirigeants quittaient le navire, les pouvoirs publics semblent avoir découvert sur le tard qu’Atos n’était pas qu’un vulgaire prestataire informatique. Le profil de certaines activités du groupe, présent dans la cybersécurité, le pilotage des centrales nucléaires, le système de sécurisation des réseaux de communication des chasseurs Rafale et les supercalculateurs, aurait dû conduire le gouvernement à ne pas attendre le dernier moment pour tenter de sanctuariser ces domaines sensibles.

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Il a fallu que la situation s’envenime, que les fonds spéculatifs et les repreneurs étrangers s’intéressent au dossier pour qu’enfin le ministre de l’économie intervienne, il y a seulement quelques jours. Ce réveil tardif sur Atos laisse une impression de flottement sur les questions de souveraineté, à un moment où, au regard de la situation géopolitique, la vigilance devrait être de tous les instants.

Le Monde

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