Un certain nombre de confrères étrangers se sont emparés du cas de Gabriel Attal pour souligner la propension de la France à ne jamais rien faire comme tout le monde. Dans un contexte général marqué par l’accumulation de crises et la fragilisation des démocraties, le contraste est de fait saisissant entre l’image que renvoie la scène politique française et ce qui se déroule outre-Atlantique. D’un côté, la prime aux « chenus », incarnée jusqu’à la caricature par le match retour entre Donald Trump (77 ans) et Joe Biden (81 ans). De l’autre, le choix de la juvénilité représenté par le couple Macron-Attal respectivement 46 et 34 ans.
Le premier ministre, qui doit prononcer mardi 30 janvier sa déclaration de politique générale dans un Hémicycle chauffé à blanc par une révolte agricole qu’il n’a pas réussi à circonscrire, est le plus jeune qu’ait connu la France républicaine. Son inexpérience aurait dû constituer un handicap sérieux dans un pays qui va de crise en crise, est menacé par l’extrême droite et voit l’Etat de droit désormais ouvertement contesté par une partie de la droite.
Et pourtant, personne parmi les prétendants à la succession d’Elisabeth Borne ne pouvait rivaliser avec sa courbe de popularité, qui avait connu une insolente ascension lors de son court passage, en 2023, au ministère de l’éducation nationale.
La France n’en est pas à son premier coup d’éclat. Avant Gabriel Attal, il y avait eu, en 1984, le précédent Laurent Fabius, devenu à 37 ans et 11 mois le plus jeune chef de gouvernement, avant d’être tardivement dépossédé de son trophée. François Mitterrand avait jeté son dévolu sur son ambitieux ministre de l’industrie pour succéder à une figure du socialisme, Pierre Mauroy, essoré par la guerre scolaire qui venait de secouer le pays. Les raisons qui l’avaient conduit à le faire sont proches de celles que pourrait invoquer aujourd’hui Emmanuel Macron pour justifier le choix de Gabriel Attal : « Jeunesse, modernité, symbiose intellectuelle » (La Décennie Mitterrand, de Pierre Favier et Michel Martin-Roland, Seuil, 1999).
Onde de choc
A quarante ans d’intervalle, les deux chefs d’Etat ont assigné la même mission aux deux jeunes pousses qu’ils ont choisies pour gouverner le pays : limiter la casse électorale due à l’usure du pouvoir, en mettant au service du président sortant l’image et la popularité dont ils bénéficient en leur nom propre. De même que la gauche s’attendait à perdre les élections législatives de 1986, l’actuelle majorité craint de subir un sérieux revers aux européennes de juin.
Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.