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Comment les pieuvres s’acclimatent aux saisons

La plupart des animaux vivent dans un environnement fluctuant dont ils doivent s’accommoder pour survivre. Entre autres, les températures changent au fil des saisons, de l’alternance entre le jour et la nuit, et des intempéries. Chez les espèces homéothermes comme les mammifères et les oiseaux, le maintien d’une température interne constante préserve les fonctions de l’organisme dont l’efficacité varierait avec la température, parmi lesquelles les réactions métaboliques ou la transmission nerveuse. En revanche, chez les poïkilothermes – c’est-à-dire les animaux à sang froid –, l’organisme doit s’acclimater aux éventuels changements de température de son milieu de vie.

Cette acclimatation peut se traduire par une modification du comportement de l’animal – par exemple un ralentissement de son activité lorsque la température chute, reflétant un ralentissement métabolique. Toutefois, la réalisation intégrée des diverses fonctions vitales ne peut se contenter d’une simple relation physique liant la réactivité chimique à la température ; elle requiert un recalibrage des processus cellulaires lorsqu’une espèce évolue dans une large gamme de températures. La modulation de l’expression de certains gènes permet un ajustement quantitatif, en augmentant ou en diminuant la quantité de certaines protéines comme on joue sur l’espacement entre les lamelles des stores vénitiens selon l’intensité de l’ensoleillement. A ceci s’ajoute une modulation qualitative de l’activité de certaines protéines, qui nécessite que leur séquence soit altérée.

La séquence d’ADN du génome de l’organisme reste cependant identique dans toutes ses cellules et tout au long de sa vie. Sur un temps court, les ARN messagers (ARNm), molécules transitoires qui portent l’information génétique depuis le génome jusqu’aux ribosomes pour la synthèse des protéines, constituent un support de choix sur lequel remanier l’information transmise en fonction des conditions.

Modification chimique des ARNm

Un article de recherche publié en juin 2023 dans la revue Cell confirme cette hypothèse chez une espèce très sujette à de telles fluctuations : la pieuvre à deux points de Californie. Ce céphalopode, qui vit dans la zone de balancement des marées sur les côtes de l’océan Pacifique, peut en effet vivre dans des eaux dont les températures fluctuent entre 13 °C et 27 °C selon les saisons.

En séquençant les ARNm de pieuvres maintenues pendant quelques semaines à 13 °C ou à 22 °C, les chercheurs ont observé que leur séquence est considérablement remaniée à basse température : certaines de leurs bases azotées « adénosine » (A) sont converties en inosines (I) par perte d’un groupement amine. Cette modification chimique des ARNm, appelée « édition », se répercute lors de la traduction par les ribosomes et entraîne alors un changement de la séquence des protéines. Parmi ces dernières, l’équipe de recherche a montré que la fonction de deux protéines-clés pour la transmission nerveuse est ajustée : la synaptogamine, une protéine impliquée dans la transmission du message nerveux entre neurones, voit sa sensibilité diminuée, tandis que la vitesse de déplacement d’un des principaux moteurs moléculaires, la kinésine, est réduite.

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