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Marché unique : « L’Union européenne a atteint ou dépassé le niveau d’ouverture observé à l’intérieur des Etats-Unis »

Dans les années 1970, la France taxait les produits d’importation espagnols ; les travailleurs espagnols devaient en passer par l’Office national de l’immigration pour trouver du travail en France ; les interactions économiques entre les deux pays fluctuaient au gré des variations du taux de change entre le franc et la peseta. Quelques décennies plus tard, en 2002, les produits espagnols vendus dans les supermarchés français n’étaient soumis à aucune taxe douanière, les travailleurs pouvaient librement se déplacer d’un pays à l’autre, et nous utilisions tous la même monnaie. Beaucoup de choses ont changé en Europe depuis la signature du traité de Rome, en 1957.

Aujourd’hui, pourtant, l’Union européenne (UE) suscite une certaine insatisfaction. L’euroscepticisme des années 2010 a eu pour conséquence la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Les gouvernements et les populations ont parfois le sentiment que les réglementations européennes instaurent plus de barrières qu’elles n’en suppriment. Il arrive donc que le citoyen européen moyen soit tenté de jeter un regard envieux de l’autre côté de l’Atlantique, en se demandant à quoi ressemblerait une Europe intégrée. Mais l’Union européenne est-elle vraiment moins intégrée que les Etats-Unis ?

Une des questions importantes à laquelle il convient de répondre à ce stade est la façon d’évaluer le degré d’intégration de chacune des deux unions. Pour mesurer les frictions frontalières, la méthode habituelle des économistes du commerce international est de comparer les interactions économiques soumises à frictions – les interactions transfrontalières – avec celles non soumises à frictions – les interactions internes à un pays (« National Borders Matter : Canada-U.S. Regional Trade Patterns », John McCallum, The American Economic Review, n° 85/3, 1995).

Effet négatif de la frontière

La logique de cette approche est facile à saisir. On mesure le volume des échanges entre Toulouse et Bordeaux, et on le compare avec le volume des transactions entre Toulouse et Barcelone. Les techniques économétriques modernes nous permettent de procéder à de telles comparaisons en tenant compte des différences de distance, de langue et d’autres facteurs bilatéraux. Ce qui émerge de cette comparaison, c’est l’effet (négatif) de la frontière franco-espagnole sur les échanges.

Cette approche permet de comparer le niveau d’intégration de l’Union européenne avec celui des Etats-Unis (« The United States of Europe : A Gravity Model Evaluation of the Four Freedoms », Keith Head et Thierry Mayer, The Journal of Economic Perspectives, n° 35/2, 2021). Pour chaque union, les auteurs recueillent des données sur les flux de marchandises, les opérations de fusion-acquisition et les migrations de travailleurs. Chaque flux est mesuré deux fois : à l’intérieur des frontières et d’un pays à l’autre. Pour les Etats-Unis, ils prennent en compte les frontières des Etats ; pour l’Union européenne, les frontières des Etats membres. Cette étude est parvenue, « avec une certaine surprise », à la conclusion que, d’après de nombreux indicateurs, l’Union européenne a atteint ou dépassé le niveau d’ouverture observé à l’intérieur des Etats-Unis.

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