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La réindustrialisation, un défi européen à relever en commun

Jeudi 25 avril, à la Sorbonne, Emmanuel Macron a affiché son souhait de voir l’Union européenne (UE) devenir, d’ici à 2030, un « leader mondial » dans cinq secteurs-clés, comme l’intelligence artificielle, grâce à des « stratégies de financement dédiées ». L’ambition est immense, sans doute hors de portée. Elle repose sur une réalité alarmante, celle des défis économiques posés à une Europe fragilisée, que Le Monde décrit et analyse à partir d’aujourd’hui dans une série de cinq dossiers.

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De fait, les menaces s’accumulent sur l’industrie européenne. Au Salon automobile de Pékin, qui se tient jusqu’au 4 mai, les constructeurs chinois étalent la démesure de leur modèle économique, qui fait trembler leurs concurrents du Vieux Continent. Soutenus par l’Etat, ils développent un véhicule en vingt-quatre mois à peine, deux fois plus vite qu’en France ou en Allemagne. Pour contrer le ralentissement de son marché intérieur, la Chine subventionne massivement ses usines et inonde les autres continents de ses produits à moindre coût.

Les nuages viennent aussi des Etats-Unis, avec l’Inflation Reduction Act, ce programme d’aides de près de 370 milliards de dollars destinées à accélérer le verdissement de l’industrie américaine, lancé par Joe Biden en 2022. Nombre d’entreprises européennes, séduites, ont déjà plié bagage pour s’installer outre-Atlantique, où elles jouissent, en outre, d’une énergie bien moins chère.

Le moment pour débattre de ces choix

Les lobbys patronaux français, italiens et allemands estiment que, sans réaction plus forte, l’industrie européenne sera laminée. Mario Draghi, l’ancien président de la Banque centrale européenne chargé de rédiger un rapport sur la compétitivité pour la Commission, a appelé le 16 avril à un « changement radical » de l’Europe si elle veut sauver ses usines, qu’elle ne protège pas assez.

Et pourtant, celle-ci a déjà changé. Autrefois chantre du libre-échange, l’UE a brutalement pris conscience, pendant la pandémie de Covid-19, de sa dépendance excessive à l’égard de la Chine pour une série de biens essentiels, comme les masques. Le second électrochoc fut administré par l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022, lorsque Moscou a suspendu ses livraisons de gaz, faisant flamber les factures énergétiques.

En réponse, une petite révolution s’est opérée à Bruxelles. La politique industrielle, autrefois taboue, est désormais sur la table. La Commission, en plus du plan de relance de 750 milliards d’euros déployé en 2020, a autorisé plus largement les aides d’Etat, dressé la liste des matières premières critiques indispensables à la transition verte, musclé ses instruments de défense commerciale. Le virage est majeur. Mais il reste largement insuffisant face aux rouleaux compresseurs chinois et américains.

Pour éviter le décrochage, il manque à l’UE le nerf de la guerre industrielle : l’argent, à savoir un vaste budget à l’échelle de l’Union, susceptible de prendre la suite du plan de relance qui s’achèvera en 2026 et de permettre d’investir en commun. Sur le sujet, les tabous européens restent forts et les obstacles institutionnels nombreux. La campagne des élections européennes du 9 juin doit être le moment privilégié pour débattre en profondeur de ces choix, et avancer sur le chemin d’une stratégie économique commune dont dépend la capacité de l’UE à générer des innovations, des emplois de qualité, et à financer son précieux modèle social. Rien de moins que son avenir et sa place dans le monde.

Le Monde

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